domingo, 30 de marzo de 2014

 Une lecture politique de l’Histoire

Avec le Cid, Corneille est entré dans l’écriture tragique avec une telle force et un tel talent qu’il ne va plus la quitter, si l’on excepte les deux comédies le Menteur (1643) et la Suite du Menteur (1644). C’est donc un deuxième Corneille qui est né et va se renouveler dans ce répertoire noble. De Horace (1640), qui vient juste après le Cid, à Suréna, (1674), sa dernière œuvre, il composa et fit jouer 21 tragédies, ce qui porte à 23 le nombre de ses pièces d’inspiration tragique écrites sans collaborateur.

Peu importe qu’il fût déclaré perdant dans le concours qu’il accepta de disputer face à Racine en 1670 – chacun écrivit sur le même sujet, lui fit Tite et Bérénice ; son rival, Bérénice, qui eut plus de succès –, il se montra toujours d’une grande force et d’une grande fécondité.

Cet ensemble tragique reprend parfois des thèmes des auteurs anciens mais, le plus souvent, préfère l’Histoire à la mythologie et propose une lecture politique des siècles passés. C’est l’histoire romaine que Corneille reconsidère surtout et qu’il projette sous son éclairage en donnant sa vision de divers événements ou de divers personnages : Horace, Cinna (1641),Polyeucte (1642), pour ne citer que les trois pièces « romaines » retenues par la postérité. Chacune de ces tragédies peut se voir comme un problème politique posé au spectateur – et, au-delà, aux rois et aux conseillers de qui dépend le fonctionnement d’un pays et d’une société.

Horace.


Horace reprend le thème, obsédant chez Corneille, de l’honneur : celui qui triomphe dans le combat entre les trois champions de Rome et les trois champions d’Albe, le Romain Horace a employé la ruse et a tué sa sœur ; il a fait triompher l’intérêt collectif, mais sans scrupule. Il est un Rodrigue assez immoral, en qui son père – le vieil Horace – et l’empereur Tulle vont finalement approuver les vertus liées au courage.

Cinna.


Cinna s’interroge doublement sur le pouvoir à travers les tourments d’un empereur, Auguste, qui affronte successivement un conflit intérieur et un conflit extérieur : il se demande s’il doit abandonner le trône, puis le conserve ; puis il découvre que son ami Cinna mène une conspiration contre lui dans le but de l’assassiner. Il pardonne. Magnanimité désintéressée ou calculée ? L’impératrice et Auguste lui-même pensent que ce geste de pardon pourra apporter une gloire éternelle à celui qui en est l’auteur.

Polyeucte


Dans Polyeucte, il est à nouveau question d’un complot, mais la révolte a ici des causes religieuses : Polyeucte se convertit en secret au christianisme et veut détruire les idoles païennes. Il pourrait payer de sa vie son action criminelle mais, au contraire, séduit ceux qui l’entourent par sa sincérité et sa force de conviction. Sa femme et ses rivaux se convertissent ou découvrent la foi chrétienne. Le thème n’est plus celui du pouvoir, mais celui d’une minorité agissant contre une doctrine établie. Au-delà de ce thème, d’ailleurs traité de façon édifiante, c’est un tableau du monde en train de changer : ce détail – l’action se passe non pas dans la capitale de l’empire, mais dans le territoire de l’Arménie alors romaine – va modifier l’ensemble de l’univers connu.

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